Vivre dans la rue, une réalité à regarder en face

Highway to the north

Par Catherine Levac

George Stephen a participé à une conférence portant sur le sans-abrisme pour témoigner de son histoire d’ex-itinérant. Il raconte comment il a abouti dans la rue, de sa vie dans la rue, et comment il s’en est sorti. Le sans-abrisme est une réalité bien présente autant dans les grandes villes qu’ici dans la ville du Grand Sudbury.

Selon une publication du  Bulletin de rendement sur le sans-abrisme dans la Ville du Grand Sudbury, environ 1 014 personnes auraient fréquenté un refuge d’urgence en 2010. Les statistiques sur les sans-abri à Sudbury sont compilées par les refuges ou les établissements similaires. Il est donc difficile de dénombrer les sans-abri, puisque ce ne sont pas tous les itinérants qui fréquentent les refuges. Certains sans-abri sont simplement de passage dans la ville alors que d’autres se sont établis à Sudbury. Certains demeurent dans des campements isolés, d’autres se trouvent des endroits où ils sont à l’abri des intempéries, comme sous un pont. La plupart d’entre eux n’ont que quelques articles, dont des vêtements et des couvertures.

C’est la réalité à laquelle a dû faire face George Stephen qui a passé plusieurs années dans la rue. Natif d’une communauté crie de la Baie James, cet homme, de nature discrète, raconte son histoire. Plus jeune, il était marié, a eu des enfants et avait un emploi. Sans donner de détails, George explique que sa femme l’a quitté et que c’était une période difficile pour lui. Il raconte aussi que plus tard, il s’est remarié et a eu une petite fille. George et sa femme ont appris que leur fille était atteinte de la leucémie. La fillette est décédée à un jeune âge. Son épouse s’est enlevé la vie dans l’année suivante. C’est à ce moment, dit-il, qu’il est tombé dans la drogue et l’alcool. Il a lui-même tenté de s’enlever la vie à quelques reprises et a été envoyé à l’hôpital psychiatrique. En sortant de l’hôpital, il a essayé de nouveau de s’enlever la vie, mais quelqu’un est venu le sauver. Il dit qu’il n’avait plus la volonté de vivre, et c’est cela qui l’a amené dans la rue.

George raconte qu’il commençait généralement sa journée dans la rue en se réveillant sous un pont. Il se trouvait une flaque d’eau pour faire sa toilette et partait en mission pour trouver de l’alcool ou de la drogue. Il a vécu ainsi pendant près de 20 ans, entre autres à Sudbury. George affirme qu’il ne sait pas comment il a survécu pendant toutes ces années. Il dit que pendant tout ce temps il se sentait comme dans un rêve, comme s’il échappait à la réalité. Il précise qu’il avait une force en lui, la force de vivre.

Contrairement à plusieurs autres itinérants, il est arrivé à la conclusion qu’il devait s’en sortir. C’est en voyant l’une de ses amies de la rue en train de mourir qu’il s’est réveillé de ce long rêve, explique-t-il. La dame souffrait d’une maladie du foie et il pouvait voir la forme de l’organe complètement sortir de son abdomen. Plus tard, un soir de janvier, George raconte que lors d’un blizzard, il n’avait pas assez de couvertures et de sacs de couchage pour se garder au chaud, il est donc parti à la recherche d’un abri plus chaud. Il s’est d’abord rendu au Centre Samaritain. Les employés du centre ont refusé de le prendre parce qu’il sentait l’alcool. Ils lui ont demandé de se rendre au centre de désintoxication situé de l’autre côté de la ville. Ce qui signifie qu’il devait marcher plusieurs kilomètres dans la tempête. Arrivé à destination, il a été refusé parce que son état d’ébriété n’était pas assez avancé. Il est alors allé dans une fumerie de crack, où des gens de la rue l’ont aidé à se désintoxiquer. La désintoxication a duré 4 jours. Il ajoute qu’il y a des programmes pour des gens, comme lui, qui veulent s’en sortir. Il en existe entre autres au Centre Samaritain, qui offre des repas et un refuge d’urgence aux personnes sans logis. Il existe aussi des abris pour les jeunes.

Quatre années plus tard, George ne vit plus dans la rue. Il participe maintenant à des conférences et à des expositions pour parler de ses expériences. Il est au centre aussi du documentaire Will to Live: On and Off the Street qui raconte ses années dans la rue.

Carol Kauppi, professeure en travail social à l’Université Laurentienne, dit qu’il est important de parler du sans-abrisme. C’est une réalité qui fait partie de notre communauté, et qui existera toujours dit-elle. Le gouvernement provincial s’occupe de gérer l’argent remis aux organismes venant en aide aux sans-abri. Mme Kauppi ajoute que, depuis un certain temps, le gouvernement provincial a réduit les prestations d’aide sociale, mais le fédéral et les municipalités n’ont rien fait pour rééquilibrer les prestations. En conséquence, le taux de pauvreté augmente toujours, précise-t-elle.

Même s’il existe de nombreux programmes pour venir en aide aux sans-abri ou dans des conditions similaires, la professeure Kauppi croit que le problème demeure entier. La ville du Grand Sudbury a installé une clôture, il y a quelque temps, sous le Pont des nations, et continue à barricader certains endroits de la ville qui pourraient servir de refuge ou d’abri pour les itinérants. Elle ne croit pas que bloquer l’accès à ces endroits règle le problème du sans-abrisme, mais ne fait que repousser les personnes de la rue aux limites de la ville, et même dans les boisés.

 

Pour plus de détails: http://www3.laurentian.ca/homelessness/

 

A propos salle des nouvelles

La salle des nouvelles est le laboratoire des étudiants du programme d'études journalistiques de l'Université de Sudbury.
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